Histoires ...
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La croyance veut que les personnes qui se perdent dans des terrains inconnus finissent souvent par tourner en rond: cette croyance a largement imprégné la culture populaire.
En tant que randonneurs nous savons tous combien il est difficile de s'orienter dans le brouillard et de garder un cap sans l'aide d'une boussole ou autre moyen de guidage.
Des scientifiques ont essayé d’expliquer cette tendance à tourner tout en pensant aller tout droit. Certains ont avancé l’hypothèse qu’il s’agit d’une forme de biais du fait d’être gaucher ou droitier ou qu’il s’agit d’un phénomène du à nos hémisphères cérébraux,
où l’un des hémisphère est légèrement plus dominant que l’autre et cette dominance s’affirme quand on lui laisse le temps.
Peut-être qu’il s’agit d’une simple asymétrie, certaines personnes étant plus fortes sur un côté de leur corps, dotées de bras ou des jambes de tailles différentes.
Cependant personne n’est arrivé à trouver une raison satisfaisante expliquant pourquoi nous ne pouvons pas marcher droit!.
Pour l’instant, il semble qu’il n’y ait pas de réponse simple à cette question qui fait l'objet de nombreuses recherches scientifiques.
Par exemple une étude publiée en 2009 dans la revue Current Biology* par Souman, Frissen, Sreenivasa et Ernst intitulée "Walking straight into circles" décrit entre autre une expérience pour tester la capacité des humains à marcher droit sur des terrains inconnus dans deux environnements différents: une vaste zone forestière et le désert du Sahara.
Des trajectoires de marche de plusieurs heures ont été capturées via le GPS, montrant que les participants marchaient à plusieurs reprises en rond lorsqu'ils ne pouvaient pas voir le soleil. Inversement, lorsque le soleil était visible, les participants s'éloignaient parfois d'un parcours rectiligne mais ne tournaient pas en rond.
Trois autres participants ont marché plusieurs heures dans le désert du sud de la Tunisie.
Les deux participants qui ont marché pendant la journée ont dévié du parcours qu’on leur avait demandé de suivre mais n’ont pas tourné en rond.
Le troisième participant a marché de nuit, la pleine lune étant initialement visible. Après que la lune ait disparu derrière les nuages, il a fait plusieurs virages serrés, le ramenant dans la direction d'où il venait !
A l'époque où la géolocalisation ultraprécise est partout : avions, voitures et les téléphones portables, nous en savons si peu sur la manière dont fonctionne notre propre sens de l'orientation.
*ref: Open Archive Published online: August 20, 2009 DOI: https://doi.org/10.1016/j.cub.2009.07.053
Michel Fornari le 03 avril 2019
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En ce début Octobre, la météo n'étant pas favorable, nous décidons de faire une petite ballade. Départ d'Allos, direction le lac des grenouilles.
Dès les premiers pas sur le sentier, nous voyons sur la colline, accompagnée de quatre chiens, une bergère occupée à installer ses filets.
Octobre est une période de transhumance son troupeau est descendu de l'alpage.
La pente est douce, l'automne nous offre sa palette de couleurs, nous progressons avec plaisir.
Soudain j'entends un souffle et du bruit derrière moi.
Je me retourne et me trouve face à un grand chien beige dont la tête m'arrive à la taille. Une espèce de grand labrador.
Il porte un collier en cuir, large de dix cm environ avec deux rangées de crampons en acier courbés, tournés vers l'extérieur.
Certainement une protection contre les loups. Nous n'avons Jamais vu ça avant.
Pas rassurée par cette rencontre je lui parle d'un ton le plus calme possible.
En bref nous espérons qu'il retourne vers ses moutons. Mais non il me donne un coup de tête, je le caresse, il se dirige vers André qui le caresse à son tour.
Ouf, le courant passe, la tension retombe.
Nous nous tenons quand même à distance du collier meurtrier et continuons notre rando, le chien sur les talons, réclamant des caresses, nous mordillant les mains, il a décidé de nous suivre.
A midi pause casse-croûte partagé avec notre copain d'un jour (mais chut ne le dites pas à la bergère, elle lui donne des croquettes). Puis départ pour le retour en effectuant une boucle.
À deux km de l'arrivée nous tombons sur la bergerie, entourée de ses moutons et des trois autres chiens qui nous fixent avec insistance.
Notre compagnon d'un jour nous quitte, sa journée de RTT prend fin, il retourne à son travail.
Par précaution il convient de nous éloigner de la bergerie. Pas facile d'un côté la montagne escarpée, de l'autre la pente sur le torrent. Nous décidons de faire un grand détour, pour rejoindre la piste.
Pas de chance un des chiens guette, il nous attend et se précipite vers nous en aboyant, les crocs en avant et le poil du dos hérissé. Je sens sa truffe chaude sur mon mollet. Méthode d'intimidation réussie. Je flippe.
Nous cachons nos bâtons, pas la peine d'en rajouter, je reprends ma technique je lui parle le plus calmement possible. Rien à faire. Pas moyen de le calmer.
Pas facile de continuer il ne veut pas. Lorsque tout à coup notre compagnon d'un jour surgit et se place entre moi et l'animal récalcitrant. Ce dernier part vers André quelques mètres devant. Notre ami le suit et s'interpose encore.
Nous le caressons, nous lui parlons pensant que l'autre chien se calmerait, mais non. Soudain notre protecteur se retourne, sans grogner, sans montrer les dents, et oblige l'autre à reculer. Il est le maître et nous les moutons, il nous protège, c'est inespéré.
Il nous accompagne sur la piste où un autre chien est attaché à un arbre, et passé ce dernier obstacle, il s'assoit et nous regarde partir.
Poursuivant notre route, nous le quittons non sans émotion, Comment a t-il compris que la situation était délicate et que nous étions pris au piège ? Intelligence ? Sixième sens ?
A moins que pour lui ..…....nous soyons vraiment des moutons…… Allez savoir ?
Pour ma part il m'arrive de penser à lui.
Huguette le 14 novembre 2018
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Intrigué depuis quelque temps par le couinement insolite émis par mes
chaussures (la gauche surtout, allez savoir pourquoi), j’ai prêté l’oreille plus
attentivement au cours de notre dernière randonnée.
Vous ne me croirez pas, mais j’ai pu enregistrer un curieux échange qui m’a
permis de réaliser ce qu’est vraiment une vie de pied (ou une vie à deux pieds si
vous préférez). Jugez plutôt. Voici les bribes que j’ai pu saisir.
Ce matin-là donc, alors que j’avais bien du mal à caler mon pied droit dans la
chaussure j’ai entendu comme une protestation :
-Hé ! Prends donc un chausse-pied !
Cette remontrance ne provenait pas de mes godillots mais elle semblait bien
provenir de mon pied lui-même ! Étonnant non ?
J’en ai eu confirmation peu après :
-Tiens-tiens, gloussait le gauche, on dirait qu’il y en a un qui s’est levé du
mauvais pied !
-Ah oui ? C’est de moi que tu causes ? marmonna l’autre (plus droit et plus
raide que jamais dans sa godasse)
-Affirmatif ! Tu râles sans cesse !
(Silence sur ma droite… et l’autre qui insiste)
-C’est pas vrai, ça ?
-Basta ! Tu me casses le pied ! Occupe-toi plutôt de vérifier ton laçage
avant que je te marche dessus (effectivement le lacet de la chaussure
gauche pendouillait…), ou avant que tu te prennes le pied.
À l’heure pile prévue par notre encadrant nous étions à pied d’oeuvre. Mais
quand il fit le signal de partir, certains (certaines ?) bavardaient encore. Il
lança : « ne traînez pas les pieds s’il vous plaît ! ».
-Eh ! C’est pour toi qu’il crie ! tu es toujours derrière !
Mets donc ton pied devant le mien !
-Et après ? j’y reste ?
-Tu n’es pas très drôle ! Et en plus tu prends tout au pied de la lettre !
Un peu plus tard (à la balise 401) notre encadrant semblait hésiter; il consulta
alors son petit carnet («seul, l’écrit reste… ») puis, au pied levé, il décida de
modifier l’itinéraire prévu.
Du coup il y eut des réactions très diverses dans le groupe : Michèle (à moins
que ce ne soit Marlène, ou Danièle, je ne sais) n’a pas tardé à protester : « Oh,
fan des pieds ! C’est pas la peine de mettre un programme sur pied si on ne s’y
tient pas ! Faudrait mieux préparer les sorties ! … (Elle n’en finissait pas)
« Maintenant on ne sait plus sur quel pied danser !... etc…etc. »; mais elle a eu
beau rouspéter et faire des pieds et des mains, ACV est resté de marbre :
insensible à tant de remarques acerbes, sans un mot, il est parti de pied ferme
dans la nouvelle direction (heureusement il n’a pas pu voir le pied de nez que
certaines lui ont alors adressé…).
-Le gauche: ils sont marrants tous ces bipèdes ! Ça piaille, ça rouspète
tout le temps mais dès que ça monte un peu ils finissent par se calmer !
-Le droit : au lieu de causer, gaffe à toi ! Oui ! à tes 2 heures: tu vas
mettre le pied sur une GBB (en langage pied: une grosse bouse baveuse) !
-Le gauche : bien vu ! Un petit saut à pied joint et voilà, je l’ai évitée ! …
Au fait, est-ce que tu connais la malédiction des mille-pattes ?
-Non. C’est quoi ce délire ?
-Eh bien, il a été établi que le mille-pattes avait 500 fois plus de risques de
marcher sur une crotte de souris…que toi sur une GBB !
-Pfff ! C’est de toi cette blagounette ? Non, de Philippe Géluck.
(Silence dans la chaussure, puis)
-Le droit, désignant les randonneurs: tu les as vus ? Ils se croient déjà en
plein hiver ils sont emmitouflés de pied en cap !
-Le gauche : quèsaco ?
-Le droit : des pieds à la tête si tu préfères !
-Le gauche : Oh ça va l’intello ! Tu ne veux pas un peu (me) lâcher pied ?
Un grand silence boudeur a suivi, jusqu’à ce que nous parvenions au gué.
Problème: il s’agissait d’un gros ruisseau difficile à traverser. Quelqu’un
(quelqu’une plutôt) a protesté vigoureusement (non ce n’était pas M… cette
fois) : « Ce n’est plus du Velours ! C’est de l’Alpine ! ».Personne n’a relevé.
-Le droit : moi je suis passé panard (enfin, pénard si tu préfères).
À toi maintenant. Si tu peux y aller ? Mais oui ! On a pied ! Grouille !
-Le gauche : Voilà, voilà ! J’arrive ! Et à pied sec s’il te plaît !
Finalement tous les CAF istes ont réussi tant bien que mal à traverser le ruisseau
et se sont remis en route, à vrai dire d’un pied moins sûr et plus lourd (la fatigue
peut être…).
Certaines (qui ont préféré garder l’anonymat) ont voulu cueillir des
champignons, alors que ce n’était pas prévu dans le timing (inscrit sur le célèbre
carnet cité plus haut). Mais il a suffi d’un grand sourire à l’adresse d’ACV pour
que celui-ci concède un sursis de quelques minutes aux enjôleuses-cueilleuses
(NB : en passant on remarquera que nous ne sommes pas tous traités sur un
pied d’égalité… mais n’insistons pas!). Voilà que l’une de nos spécialistes en
mycologie a même trouvé des « tricholomes nus ». (Note pour les néophytes: ce
sont des champignons violets, communément appelés « pieds bleus »).
La colonne- qui se trouvait alors au pied du dernier raidillon (avant le sommet)-
est repartie avec un enthousiasme modéré, à l’exception naturellement de
certains (toujours les mêmes) qui ont redémarré quasiment pied au plancher.
Le silence a été brusquement rompu par une exclamation tonitruante :
« J’en ai plein les pieds !».
-Le droit : Et moi donc, qu’est-ce que je devrais dire !
-Le gauche : Eh bien dis-le !
-Le droit : C’est mon cor ! J’ai mal dans tout mon cor au pied !
-Le gauche : Pfff ! Tu en as toujours une ! Est-ce que je me plains, moi, de
mon hallux valgus ?
-Le droit : de ton quoi ?
-Le gauche : de mon oignon, de mon arpion, si tu préfères !
Le droit (apparemment agacé d’être sans cesse réprimandé) resta d’abord
complètement mutique; puis exaspéré, il laissa échapper un gros juron de pied
(intraduisible ici).
Conscient de la fatigue des marcheurs ACV a d’abord levé le pied pour les
dernières centaines de mètres; puis, ayant repéré un coin bien abrité, il a
annoncé la pause pique-nique* (ou picnic).
Chacun a mis pied (et sac) à terre avec un grand soupir de soulagement.
*NB : Au CAF SLV, on dit maintenant« picnic » selon la nouvelle terminologie
introduite par ACV (et officiellement validée lors du dernier CD).
Au cours du picnic donc, un certain relâchement se fit ressentir parmi les
marcheurs, et même sentir tout court, notamment du côté de ceux qui avaient
cru bon de se délester de leurs godasses: en effet une odeur podalique très
soutenue s’est sournoisement répandue…
Mais personne n’a levé le nez, ni même protesté (beaucoup dans le groupe
étaient sans doute enrhumés, ou fatigués, ou les deux…).
Mes pieds se sont alors remis à cancaner :
-le droit : Oh là là ! Tu as vu les méga-pieds qu’il a, celui-là (impossible de
savoir de qui il s’agissait). Et ceux-là, oui, ceux placés à ta gauche
(impossible de savoir là encore de qui il pouvait s’agir) ?
-le gauche : ah oui ! Pour des pieds plats, ils sont vraiment très plats ! En
comparaison le mien est nettement mieux, non ?
-Si tu le dis… Tiens-tiens ! Regarde donc sur ta droite : après le mano a
mano, voilà qu’elle lui fait maintenant du pied à pied !… (les noms du duo
ne seront pas révélés). Elle a vraiment un beau cou-de-pied, ça oui !
-Et moi alors ? Jamais ça ne m’arrivera ?
-Camarade, ne rêve pas ! Remets toi sur pied !
Plus tard les échanges se firent plus rares, ou de moins en moins audibles.
Il n’y a plus eu de chamaillerie ni de contre-pied entre eux deux. C’est tout juste
si j’ai perçu une dernière exclamation :
« Tu me prends vraiment pour un pied… »,
Puis un ultime grognement mit fin à ce singulier dialogue.
Ils avaient apparemment lâché pied, ou peut-être avaient-ils fini par se
réconcilier avec une dernière blague de pied. Qui sait ?
J’ai eu beau prêter l’oreille, je n’ai plus rien entendu.
Moralité :
Nos pieds ont une vie (qui n’est pas forcément drôle si l’on réalise qu’ils
nous supportent tout le temps)
Et puis ils nous parlent quelquefois; sachons les écouter et aussi en
prendre le plus grand soin.